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Taxe EDF : Bruno Le Maire persiste, personne ne signe

PARIS — Dans sa quête de recettes pour renflouer les caisses de l’Etat sans augmenter les impôts, le ministre démissionnaire de l’Economie Bruno Le Maire pensait avoir trouvé le candidat idéal : prélever une partie de la rente perçue par les énergéticiens.
Et si la première version de la taxe, la fameuse contribution sur les rentes inframarginales (Crim), est loin d’avoir eu le rendement escompté, sa seconde mouture fait l’unanimité contre elle.
Quelques jours après le résultat des élections législatives, alors que Gabriel Attal a présenté sa démission, sans qu’elle soit encore acceptée par le président de la République, Bruno Le Maire évoque devant des journalistes travailler “à une taxation des rentes sur les énergéticiens qui soit plus efficace que celle que nous avons mise en place en 2023”. 
Il s’agit de rattraper le coup. Car la Crim “n’a pas été efficace et a provoqué un accident sur les recettes” fiscales, poursuit le ministre de l’Economie et des Finances.
Bruno Le Maire assume le mea culpa, rejetant néanmoins en partie la faute sur la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui aurait mal estimé le montant espéré. “Elle n’a rapporté que 600 millions d’euros là où la CRE nous avait dit qu’elle en rapporterait 3 milliards”, se désolait-il sur RTL, fin mars.
La baisse des prix de l’électricité sur les marchés et les réacteurs nucléaires d’EDF à l’arrêt ont eu raison des superprofits, et donc de la taxe. Surtout que celle-ci aurait été “très très mal rédigée”, selon un familier de Bercy, qui regrette que le cabinet de Bruno Le Maire ait fait fi des avertissements de l’administration.
Officiellement, le Premier ministre a confié au printemps à quatre députés de son camp le soin de se pencher sur la taxation des rentes. Une manière de contourner la ligne officielle visant à s’interdire toute hausse d’impôt. Une nouvelle version de la taxe figure au menu de la mission.
“La mission n’était qu’un écran de fumée”, constate un acteur du secteur, qui explique que Bruno Le Maire et son cabinet avaient le montage en tête depuis le départ. La nouvelle version proposée pour les énergéticiens ne s’attaque à aucune rente : elle tape directement sur la production d’électricité.
“Comme toujours avec Bruno Le Maire, la réflexion n’est pas trop poussée”, poursuit le même, témoignant de la tension qui règne entre Bercy et le monde de l’énergie sur ce sujet.
Le détail de la proposition mise sur la table par le ministre : les énergéticiens devront payer 40 000 euros le mégawattheure pour chaque installation produisant plus de 260 mégawatts.
“C’est l’impôt le moins intelligent qui existe”, persifle-t-on chez un énergéticien.
Chez EDF, on estime que cette taxe aurait des effets contre-productifs, à la fois pour les investissements dans la transition énergétique mais aussi, à terme, sur les prix de l’électricité.
L’entreprise serait la principale contributrice à cette nouvelle taxe, alors qu’elle fait déjà face à une situation financière catastrophique, et au gouffre d’investissements du programme de relance du nucléaire.
En plein cœur de l’été, Luc Rémont, son PDG, a rappelé qu’EDF pouvait verser des dividendes à l’Etat, comme c’était le cas lorsqu’elle était cotée en Bourse. Cette solution aurait l’avantage pour le groupe de pouvoir faire l’objet d’un accord avec les autorités.
La nouvelle taxe pourrait aussi se répercuter sur les factures des consommateurs, complète Nicolas Goldberg, expert pour le cabinet Colombus Consulting, spécialisé dans l’énergie. Il regrette par ailleurs un prélèvement sur l’électricité alors qu’il faut électrifier les usages.
“C’est à contretemps complet de la politique énergétique du pays”, renchérit le familier de Bercy déjà cité.
“Politiquement, ça témoigne d’une vision court-termiste, centrée autour de la réduction du déficit, plutôt que du long terme centré autour de l’atteinte des objectifs climatiques de la France”, complète Phuc-Vinh Nguyen, expert pour l’Institut Jacques Delors.
Les parlementaires, eux, ne sont pas plus convaincus. Maxime Laisney (LFI), rapporteur pour avis de la partie énergie du prochain budget, dénonce la “fuite en avant” du gouvernement.
Raphaël Schellenberger (non-inscrit, ex-LR) conseille au locataire de Bercy la lecture d’un récent rapport de la Cour des comptes épinglant le manque de cohérence des multiples dispositifs de fiscalité énergétique.
“C’est là qu’il faut chercher l’inspiration, pas chez un artiste littéraire qui n’a pas démontré la pertinence de son action pour l’économie”, tacle-t-il.
Devant les députés de la commission des Finances lundi, Bruno Le Maire persiste : 2,8 milliards d’euros de recettes supplémentaires sont accessibles en créant cette taxe dans une loi de finances rectificative. Et cette fois-ci, il en “garanti[t] l’efficacité”.
Interrogé sur les nombreuses critiques faites contre ce dispositif, son cabinet n’a pas souhaité commenter, expliquant ne plus être aux manettes et renvoyant au prochain gouvernement.

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